The Improbable War. China, the United States & the Logic of Great Power Conflict

Voici un petit livre qui vient utilement contribuer aux débats en cours sur la stabilité du système international suite à la montée en puissance de la Chine et la (très relative) réduction du rôle des Etats-Unis. Christopher Cocker convoque ici les Relations Internationales, l’histoire, les études stratégiques et la psychologie politique pour évaluer les chances d’un conflit entre la puissance dominante et la puissance émergente. Loin des élucubrations des « géopoliticiens » de tous poils, il livre ainsi une très belle démonstration de la nécessité de maîtriser une large littérature scientifique pour étudier raisonnablement les phénomènes stratégiques.

Cocker

Le point de départ de Cocker est que les relations entre les grandes puissances ont une logique qui leur est propre, et qui échappe parfois aux meilleures intentions des acteurs. Son analyse est donc structuraliste, en ce sens que la structure sociale peut jouer un rôle déterminant dans les interactions entre les acteurs, notamment sur la scène internationale. Néanmoins, son analyse ne se veut pas parcimonieuse comme celle d’un Waltz (qui réduit à la structure à la distribution de la puissance au sein du système), mais intègre les perceptions, une analyse pluraliste de la puissance et les avancées dans la conduite de la guerre.

Cocker commence par évoquer la difficulté et le danger d’utiliser des analogies historiques dans l’étude des phénomènes contemporains, remarquant qu’il s’agit d’un mode de pensée classique pour les décideurs. Il évoque ensuite l’importance des « conflits dominants » et de leurs logiques autonomes sur l’évolution du système international, évoquant notamment la bataille en cours pour la définition de la norme dominante du système international. Il rappelle ainsi que la pire des situations possible serait un monde multipolaire (où les tensions pourraient dégénérer en conflits entre puissances relativement équivalentes) sans fondement normatif partagé qui servirait d’élément régulateur. Il passe ensuite à l’importance des discours stratégiques, c(‘est à dire les histoires que se racontent les communautés politiques sur elles-mêmes. A ce titre, l’une des dominantes du discours stratégique chinois est l’espoir que les Etats-Unis acceptent de céder leur domination volontairement, comme l’a fait la Grande-Bretagne. Cocker note que cet espoir chinois ne correspond ni au discours stratégique américain, ni à la réalité des rapports de puissance entre les deux pays (les Etats-Unis sont loin d’être déclinants, la diminution de leur puissance est seulement relative, et pas absolue). La désillusion probable née de la réalisation du fait que les Etats-Unis n’entendent pas céder la main, combinée à un discours chinois très victimaire, est selon Cocker potentiellement belligène. Enfin, Cocker examine les formes possibles d’un tel conflit, évaluant la doctrine Air-Sea Battle, les actions dans le cyber espace et le poids des doctrines nucléaires.

Au final, il s’agit d’un ouvrage intéressant, qui s’appuie sur les acquis de la littérature scientifique pour évaluer le futur d’une des principales dynamique du système international contemporain. Un ouvrage sérieux, référencé, et traitant d’une question importante, comme on aimerait en voir plus souvent.

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